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UX – Pourquoi faire simple, quand il est si simple de faire compliqué ?

Par :
Anne-Lise
-
UX strategist
-
Publié le :
12.2.20
Pour les designers d’interface, comme moi, notre motivation au quotidien est de tout faire pour simplifier la vie des utilisateurs, tout en répondant aux besoins business et de différenciation. La question qui peut alors se poser est de savoir s’il est facile de faire simple ? Et quels sont les moyens pour y parvenir ?

Crédit photo : Les 12 travaux d'Astérix


SIMPLE DE FAIRE COMPLIQUÉ

L’idée de cet article est partie d’un constat partagé avec mes collègues UX Designer. Nous animons régulièrement des ateliers de génération d’idées créatives. Et, nous nous sommes aperçus que lorsqu’il s’agit de co-créer pour trouver l’outil ou l’objet innovant qui va changer le quotidien, le premier réflexe des participants est d’imaginer un outil « USINE A GAZ » qui fait tout.

C’est assez paradoxal me direz vous : pour se simplifier la vie on imagine tout de suite quelque chose de très complexe. Et oui, il est si facile de faire compliqué !

Dans le cadre des ateliers d’idéation notamment, la tentation est trop forte de vouloir mettre les idées de tout le monde pour satisfaire chacun. C’est l’effet « fourre-tout ». Imaginez si Steve Job en avait fait autant ! Votre Iphone ne rentrerait pas dans votre poche par contre c’est sur il aurait tous les branchements possibles. Génial ? Pas sûr


ALORS POURQUOI FAIRE SIMPLE ?

Que dites vous de la réponse de Steve Jobs : “pour déplacer des montagnes” rien que ça !

C’est l’un de mes mantras — concentration et simplicité. Faire simple peut être plus difficile que de faire compliqué. Il faut travailler dur pour mettre ses idées au clair et faire simple. Mais ça vaut le coup en fin de compte parce que lorsque vous y parvenez, vous pouvez déplacer des montagnes. – Steve Jobs

En effet, simple ne veut pas dire simpliste et dépourvu de valeur ajoutée. Au contraire, créer une interface ou un produit simple nécessite une excellente analyse et compréhension du contexte. Et, si vous y arrivez, c’est l’adhésion assurée des utilisateurs et vous pouvez faire de grandes choses.

Un des meilleurs exemples pour illustrer ce point est l’application UBER. Les créateurs de l’application ne l’ont pas pensé pour proposer le maximum de fonctionnalités, mais uniquement pour créer de la valeur pour l’utilisateur en ne proposant que l’essentiel pour celui-ci. On localise le chauffeur le plus proche sur une carte, on commande en un clic, il arrive. La révolution opérée par la startup n’est pas au niveau du concept de base « transporter un passager d’un point A à un point B en voiture » mais bien en travaillant à simplifier cet objectif pour faciliter la vie des utilisateurs. Et c’est le Jackpot !

Application Uber

Il faut avoir en tête que la promesse de simplicité est vendeuse. Effectivement, ce n’est pas pour rien que de nombreuses marques invoquent la simplicité dans leur slogan.

Slogan de la marque Honets "Si simpler et si bon"

Non seulement on aime ce qui simplifie la vie mais on l’achète, et même si c’est plus cher. Dans sa conférence TED, David Pogue prend l’exemple de la réussite commerciale du Ipod d’Apple. Ce lecteur de fichiers de musique numérique à l’interface simple, efficace et dépouillée qui fait moins de choses que les autres mais qui coûte plus cher.

Par ailleurs, la simplicité est source d’efficacité et perdure dans le temps. On retient quelque chose de simple, quand on oublie ce qui est compliqué. En publicité, par exemple un seul message sur une affiche est égal à un taux de mémorisation de 30% alors que quand on met 3 messages sur cette même affiche le taux chute à 14% (source : étude Kantar Millward Brown).

Ajouter des éléments ne veut pas obligatoirement dire ajouter de la valeur. Tout ce qui est superflu disparaît avec le temps, n’est pas retenu et va même desservir l’expérience utilisateur la plupart du temps. Il y a un petit test efficace, en design d’expérience, qui illustre bien ça : c’est le « test 5 secondes ». Montrez une maquette 5 secondes à un utilisateur et demandez lui ce qu’il a retenu ? S’il y a trop d’information il n’aura pas su se concentrer sur quelque chose et aura retenu moins de chose.

C’est pourquoi, vous l’aurez compris, la simplicité est la quête de tous les designers d’expérience. Mais malheureusement, le chemin vers la simplicité d’une interface, d’un produit ou d’un service n’est pas tout tracé. Cela va demander d’entrer dans un processus de création… complexe


EST-CE VRAIMENT COMPLIQUÉ DE FAIRE SIMPLE ?

Le simple c’est la capacité à analyser une problématique puis à en sortir les choses essentielles en pensant aux « utilisateurs » et au contexte d’utilisation.

# SE CONCENTRER SUR L’ESSENTIEL

Se concentrer sur l’essentiel est une des clés données par Dieter Rams lorsqu’il a travaillé pour Braun sur les 10 principes d’un bon design : « Less, but better ».

Moins, mais mieux parce qu’il se concentre sur les aspects essentiels et que les produits ne sont pas surchargés d’éléments non essentiels. Retour à la pureté, retour à la simplicité. Dieter Rams

Dans ce contexte, le minimalisme est au service du fonctionnel, de l’utilisabilité donc du bien-être de l’utilisateur.

La question que doit se poser le designer est : jusqu’où et comment les choses peuvent-elles être simplifiées ? Car si on revient à notre paradoxe de départ, d’un côté on voudrait un produit qui fasse tout et de l’autre un usage simple. John Maeda auteur du livre « Les lois de la simplicité » donne une technique intéressante en trois lettres pour nous aider : AMI

A= Atténuer : car on attend moins des petites choses que des grosses. Tout design soucieux de la légèreté et de la minceur donne l’impression d’être plus petit, plus humble. On donnera plus de respect si l’objet a plus de valeur qu’il n’y paraît à première vue.

M= Masquer : afin de créer une illusion de simplicité et de donner à l’utilisateur la satisfaction de contrôler la complexité en activant ce qu’il souhaite lui-même.

J’apporterai toutefois une nuance à cette règle de John Maeda, car si vous masquez toutes les fonctionnalités d’une application mobile dans un menu burger par exemple, l’utilisation ne sera pas simplifiée pour autant. En effet, certains cas ont montré récemment, qu’il valait mieux rendre visible les options de navigation dans une tab bar avec des accès directs plutôt que de tout dissimuler derrière un menu burger.

I = Insuffler, de la qualité : la qualité d’un produit peut être insufflée par la puissance du marketing par exemple quand certains caractéristiques ne sont pas visibles tout de suite par l’utilisateur.

Pour vous aider à retenir l’essentiel de ce paragraphe en une phrase :

Réduisez ce que vous pouvez et masquez le reste sans perdre le sentiment de la valeur intrinsèque de l’objet concerné. John Maeda
https://twitter.com/scottjenson/status/1196653654201126912

# METTRE L’UTILISATEUR AU CENTRE DE LA RÉFLEXION

La voix vers la simplicité est tracée par la connaissance utilisateur. Mieux vous connaitrez vos utilisateurs, leurs besoins, leurs attentes mais aussi leurs habitudes, leurs connaissances et le contexte dans lequel ils évoluent, plus vous aurez des chances de leur proposer une système simple pour eux. J’insiste sur le simple pour EUX.

En effet, la simplicité est perçue différemment d’un utilisateur à l’autre. Ce qui est simple pour vous ne l’est pas forcément pour votre grand-mère. Beaucoup d’éléments influent sur cette perception de simplicité : le contexte, les habitudes, la maturité, l’état émotionnel, la connaissance.

Pourquoi Sherlock Holmes arrive-t-il à résoudre une énigme que vous mettrez des années à comprendre ? Tout simplement parce qu’il a étudié longtemps les sciences comportementales et dispose d’un sens de la déduction bien aiguisé. Ce qui est simple pour certain ne l’est pas pour tous.

Ce qui a fait le succès d’une application comme UBER encore une fois est clairement qu’au moment de la conception ils ont placé les utilisateurs au coeur de la réflexion afin de créer un produit correspondant à leurs usages.

Et, vous me croirez ou non mais même l’administration publique a commencé à comprendre l’importance de la consultation des utilisateurs. En effet, j’ai travaillé il y a quelques années, à la conception d’une plateforme numérique de recueil d’idées pour simplifier l’administration. Vous étiez invités à partager vos expériences complexes et à proposer des idées pour les améliorer. Un bon début me direz vous 😉

# DONNER LES REPÈRES TEMPORELS

La perception de la simplicité passe aussi par le temps.

En économisant son temps on a l’impression que tout est plus simple” John Maeda
Repère temporel sur l'application Deliveroo

L’utilisateur a besoin de repères temporels pour sentir qu’il progresse et qu’une expérience lui paraisse simple. Nous passons tellement de temps à attendre dans notre vie que limiter la frustration liée à l’attente vous permettra de mettre toutes les chances de votre côté pour mettre l’utilisateur dans votre poche. Au moment même où j’écris ces lignes j’entends ma collègue, au téléphone avec une petite musique de standard, marmonner « surtout ne me dites pas combien j’ai de temps d’attente, grr ».

 

Les questions à se poser : comment raccourcir l’attente ? Comment rendre l’attente plus tolérable ? Indiquer le temps d’attente est un exemple parmi tant d’autre (les barres de chargement, la voiture Uber qui avance sur la carte…). Autant de renforcements positifs utiles à la bonne perception de l’expérience vécue.

# PROCEDER PAR ITERATION

En tant qu’ UX Designer une de mes plus grandes satisfactions quand je fais passer des tests utilisateurs est d’entendre des choses comme  » Enfin un truc facile  »  » C’est simple, rapide  »  » C’est top la simplicité de navigation « . Cependant pour en arriver là il aura fallu la plupart du temps passer par une phase d’itération. En effet, il est difficile de faire simple du premier coup. Pour atteindre la simplicité vous allez devoir passer par un procédé itératif vous permettant de tester vos hypothèses de design auprès des utilisateurs finaux.


CONCLUSION

Tout ceci étant dit, sans la complexité nous ne reconnaîtrions pas la simplicité quand nous la voyons. Les utilisateurs ont besoin de pouvoir comparer. La simplicité et la complexité ont besoin l’une de l’autre. Plus il y a de complexité sur le marché, plus quelque chose de plus simple se démarque. (Plus les designer ont du travail) Et comme le dit John Maeda :

“La technologie ne fera que croître en complexité, il y a donc un avantage économique évident à adopter une stratégie de simplicité qui aidera à différencier votre produit.” John Maeda

Par ailleurs, ce qui parait simple, facile ne l’a pas toujours été à concevoir. Il faut du temps au designer pour comprendre les besoins et les problèmes rencontrés par les utilisateurs afin de leur proposer une interface qui sera ensuite qualifiée de « simple ». Lorsque vous avez réussi à  » soustraire ce qui est évident et rajouter ce qui a du sens. » (c’est la loi cardinale selon John Maeda) et que vous offrez un service de qualité qui répond aux besoins des utilisateurs alors c’est gagné.

Enfin, l’innovation étant la recherche constante d’améliorations de l’existant : simplifier pour rendre la vie plus facile, c’est INNOVER. Au revoir les usines à gaz et bonjour l’innovation par la simplification.

Liens associés :

Vidéo « Less but better » Dieter Rams

Vidéo Ted conférence David Pogue

Livre et site : « Les lois de la simplicité » John Maeda

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